Dick au cinéma

La trilogie divine

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L'oeuvre de Dick adaptée au cinéma se résume principalement à 3 films (dans le domaine de la S-F) : Blade Runner, Total Recall et Planète hurlante. Examinons les dans l'ordre chronologique.

1982 : Blade Runner (Ridley Scott)

«Un film sot et ennuyeux... bourré de réalisations merveilleuses mais gâchées» Stanley Kauffman

Tiré du roman -mineur- de Dick intitulé «Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?», Blade Runner prend de grandes libertés avec son modèle littéraire. En fait, seule la trame centrale est ici conservée pour faire un film plus grand que nature à bien des égards. Rappelons que l'on est en pleine période de Star Wars mania et que la S-F spectacle est de retour sur les écrans. Or, c'est Ridley Scott qui est chargé de le réaliser, et celui-ci vient de s'illustrer dans un autre film du même genre : Alien. On retrouve dans Blade Runner, les mêmes ambiances glauques et morbides, empreintes d'une sexualité un peu trouble, le tout dans un décor qui est une part importante dans la réussite des deux films.

Cette débauche de détails a coûté 30 millions de dollars que Ridley Scott justifia par la méthode qu'il appelle lui même le «saupoudrage» ( the layering). Chaque parcelle du décor ne contribue pas directement à l'action, mais ajoute à l'atmosphère le petit quelque chose qui rend l'ensemble plus réel, plus consistant.

A la base, le film repose sur une opposition thématique entre le livre de Dick et les idées de Scott. Dick voyait les androïdes comme froids et inhumains et Deckard, à leur contact, devenait comme eux. A l'inverse, Scott les considèrait comme des sur-hommes, plus forts, plus intelligents, plus honnêtes, et Deckard qui les traitait comme des sous-hommes, se met à douter de ce qui fait l'humanité.

En 1980, la production était bien avancée quand le projet fut abandonné par Filmway qui préférait soutenir la sortie de Blow Out. Il fut rapidement repris et c'est à cette époque que le titre fut choisi. En fait, il provenait du titre d'un autre scénario de film jamais tourné. Le titre fut acheté et devint définitif. Détail intéressant, Blade runner, ne signifie rien en anglais. Cela se rapproche de l'expression gun runner (trafiquant d'armes) et dans le scénario dont fut extrait le titre, il s'agissait d'un trafiquant d'instruments chirurgicaux (blade=lame). Dans le contexte du film de Scott, cela pourrait sous-entendre que le Blade Runner court des risques comme s'il courait sur une lame.

Le scénario a constamment évolué au cours de la création. Une version de 1980 démarre dans un centre de destruction d'une colonie où des ouvriers passent leur temps à jeter des répliquants usagés. On y voit également Deckard abattre des vieux répliquants dont l'origine mécanique est assez visible. Ces scènes disparaîtront de la version finale. On en retrouve une évocation dans le microscopique numéro de série qui permet à Deckard de retrouver l'origine du serpent de Zhora. Les signes étranges sur le torse de Batty lors du combat final avec Deckard proviennent d'une scène non tournée où celui-ci devait émerger d'une armure semi-organique. Une des moutures abandonnées faisait de Tyrel un répliquant créé par son original pour protéger son corps mourant cryogénisé. Cette idée fut également abandonnée, mais une autre idée apparemment non concrétisée reste en filigrane tout au long du film : Deckard est-il un répliquant ? Rachel lui demande ainsi s'il s'est déjà soumis au test. De même, les androïdes collectionnent les photos afin de simuler une vie familiale qu'ils n'ont jamais eue. Or Deckard a chez lui une ribambelle de photos, toutes en noir et blanc. S'il s'agit de photos familiales, les dernières générations ont été bizarement occultées. D'ailleurs l'efficacité même de Deckard ne provient-elle pas du fait que le meilleur ennemi du voleur est un autre voleur ?

La suite de cet article dans Hors Service N°2...


© Hors Service le 24/06/99